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" Au fond du couloir " de Christian Présent aux Editions du Panthéon
Je suis cette île de Gorée
J’enfante encore les cris de mes frères
Je suis cette cale faite de chair et de sang
La mort poignarde et fige le regard
Nous sommes entre frères et entre les morts
Et l’océan sépulture est complice de mon maître
D’ailleurs je l’ai voulu comme ami
Vivant ou mort estropié ou borgne
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Je cours l’esprit libre, mais la douleur m’enivre,
Je cours le corps morcelé, contre les aboiements, ces fouets non muselés ;
Je cours contre le flair de la bête sauvage et le sang de mes entailles
Je cours vers le pain de l’homme libre, prospère chimère trébuchante.
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Ma liberté pourrit mes chaînes
Mes poignets respirent la rouille de mes fers
Je suis libre de mourir à voix haute,
Sans chiens, sans course-poursuite,
Je suis libre de vivre sans dépassement de soi
Je garderai mon corps sans morsures, sans ablations
Je garderai mon cœur à l’abri de l’évasion
Je ne fuirai pas, je me battrai pour rester en vie
J’aime mon maître, je mange comme une bête
Sur le sol je n’ai même plus froid, j’ai un toit
À la nuit tombée certains retourneront au champ
Ils iront sans moi, sans mon sang à la lumière du tambour
La fatigue et l’aurore me gagnent,
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L’échafaud,
Le condamne,
La marche funeste,
Le bourreau,
Sentence,
Coupable,
La lame, la corde
Mon corps
Le silence
La mort et le mort
Ma femme mes amours
Mes amis, vous ne m’épiez plus
Dieu est à ma merci
« Aimé Césaire au CNAM le 23 05 2013"J'ai apporté une parole d'homme" Aimé Césaire par Jean-René Bourrel aux Editions Sépia »
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Commentaires
J'ai marché plusieurs fois sur le sable de l'Ile de Gorée, envahie par l'émotion, mon âme d'homme était embuée.
L'écriture de cette Ile foulée par l'enfer, à ce jour écriture mémoire pour ne pas oublier ; la richesse des ecrivains de la Négritude
merci Aimé, merci Léopold et bien d'autres.
La main et la plume travailleront sans fin pour la dignité de l'homme.
Christian Dutasta